On jouera samedi chez nos amis de Villefranche-de-Rouergue (12) ! Concert unique le 7 août à 22h30 alors soyez à l’heure ! Plus d’infos par ici et le fessebook du festival est par là !
Ne manquez pas le reste de la programmation avec, entre autres nos copains de la famille Goldini et la Cie Passambleu ou encore les Goulus ! Et puis d’autres Cies qu’on aime beaucoup comme Fred Tousch, Léandre et bien d’autres !
Asterios Polyp est l’archétype du brillant universitaire américain de la côte est. Un intellectuel plein de charme et d’assurance, tour à tour cynique, séducteur ou arrogant. Mais le personnage social sophistiqué qu’Astérios s’est composé avec soin va voler en éclats par une nuit d’orage, alors qu’il vient d’avoir cinquante ans. Jeté à la rue par l’incendie accidentel de son appartement, Asterios bouleversé part au hasard…
À 32 ans, Guylain Vignolles mène une vie morose et désenchantée. Tous les jours il se rend à un boulot qu’il déteste, qu’il exècre mais qui lui permet néanmoins de payer le petit appartement qu’il partage avec Rouget de Lisle, cinquième du nom, son poisson rouge… Cinq jours sur sept, le rituel est le même : il prend le RER de 6h27 qui le mène à l’usine, où, seule audace de sa vie, il lit à l’ensemble des passagers des pages de littérature…
Et puis il y a aussi nos collègues de la rue qui écrivent de très belles choses !
Comme notre copain Chtou de la Cie Quality Street :
Au-dessus de nos têtes, des ponts d’aluminium s’élevaient à plus de vingt mètres pour hérisser un bardage de tubes et de lames métalliques, comme posé sur quatre pattes veinées de chemins de câblages, prêtes à bondir,
sur lesquelles pullulaient mille projecteurs noirs aux orbites arachnéennes. Quelques bonzes torse-nu suspendus à des câbles, tatoués de créatures agressives et de symboles mortuaires, armaient la créature dans une atmosphère tendue, virile et fière, sous les aboiements de leurs supérieurs.
Stef, lui, se déplaçait avec la fluidité tranquille d’un vieux loup, suscitant le respect de ce contingent de techniciens en me tenant littéralement sous sa protection.
Avec ma jolie chemise à fleurs et mes sandales, je me sentais totalement déplacé à cet endroit, dans le saint des saints.
En me guidant vers le front de scène, il souriait avec jubilation
« C’est la deuxième fois qu’on fait le Paléo, et je peux te dire que quand tu joues là, tu sens une putain de puissance… »
Des dizaines de milliers de personnes découvraient le site sous nos yeux, t-shirts noués sur la tête, dans une transhumance démesurée, suivant souvent les mêmes sentes vers des abreuvoirs, et nous nous sentions comme les pâtres de tout un peuple.
« J’ai l’impression d’être Moïse… » sifflais-je. Nous nous sommes quittés en nous promettant d’aller voir nos spectacles respectifs.
Dans mon cas, la promesse serait tenue, mais j’avais peu d’espoir qu’il honore sa part. J’ai trop vécu son ascension dans le milieu musical, trop vu les gens pavaner à la porte des loges, trop vu ces regards subjugués de fans dans toutes les villes de France. Il allait être au cœur d’un maelström dans lequel il avait son rôle à jouer, et ces instants simples qu’il avait partagé avec moi étaient déjà un véritable cadeau, dans un temps que tant de monde convoitait. Nous ne jouons pas dans la même cour. Sur son terrain, tout est superlatif.
Je déambulais un temps empoigné par un sentiment mêlé d’amitié indéfectible, de jalousie cuisante, et de tristesse profonde. Quarante mille personnes hurlaient autour de moi dans une hystérie cathartique que j’étais loin de partager.
Le son, énorme, s’écrasait dans les basses, et les lumières offensives syncopaient en mitraillant des tableaux surchargés.
La foule abrutie beuglait indistinctement sa singularité mélomane, gobelet à la main, dans une uniformité vulgaire.
Je m’échappais du centre où rendus fous par les invectives de Steff, les corps s’entrechoquaient mêlant sueur et bière, pour tenter d’apprécier le concert de plus haut sur la colline…
Rien à faire. je reste hermétique aux spectacles gigantesques.
Heureux malgré tout pour cet incroyable succès que je vivais par procuration dans l’amitié, je décidais de retourner à la Ruche, l’espace dédié aux arts de la rue. La décoration est la clef du succès. Je tiens pour une révoltante injustice que les plasticiens ne participent pas du régime de l’intermittence.
Quand quatre vingt dix pour cent des festivals que nous parcourons alignent les spectacles, comptant sur les comédiens pour changer le regard du public sur leur ville, ceux qui ont compris la portée de la beauté d’un site sont les écrins de nos propositions.
Je garde un souvenir ému de ce festival, à Rouillac. Les gens, passant une porte qui masquait l’entrée du village, découvraient une allée serpentant au milieu de sculptures de sable de Laurent Sandrin, puis se promenaient dans un agencement d’installations plastiques rivalisant de beauté. Des sculptures surgissaient des murs, s’enfonçaient dans les gazons, des portes de garages s’ouvraient sur des galeries, on empruntait des ruelles mises en lumière, des tunnels de tissus et de matières changeantes, et dans un silence admiratif, le public devenait contemplatif.
Oubliés les enfants suractifs, les parents irascibles, la course aux gradins, la fébrilité de la gratuité.
Une scénographie de qualité propose un voyage émotionnel complémentaire au comédien.
La scénographie, c’est un art de la rue. J’arrivais à la Ruche, où l’on accueillait les gens par un bonjour pour chacun, avant qu’ils se glissent dans un détour harmonieux de claustras en bois.
Le TSF sound system faisait face aux Quignons sur Rue, ouvrant une voie vers des barnums soignés aux tentures cossues.
Des tipis dressés ici et là exposaient les photos quotidiennes d’une talentueuse photographe in situ, un chapiteau, une arène de gradins, la signalétique concouraient à personnaliser le site.
On était ailleurs, on était chez nous. Comment en suis-je venu à faire de ce milieu le mien ?
Pourquoi des dizaines de milliers de personnes se pressent-ils devant la grande scène, quand seulement quelques milliers viendront ici ?
Comment pourrais-je expliquer à Stef la grandeur de nos héros, la beauté de notre histoire ?
Nous aussi nous avons nos stars, nos barons, nos figures. Nous avons nos légendes, notre culture commune.
Elle fait tellement pâle figure, elle est tellement petite, c’est une évidence ici.
Mais c’est elle qui nous anime. Nous sommes une famille. Mais une famille à part, dérisoire, iconoclaste.
Nous ne sommes pas l’art populaire, et ceux qui prétendent jouer pour le grand public se trompent.
Le grand public, il va voir Stef. Nous, nous avons notre public.
Celui-ci, nombreux mais plus rare, qui aime notre dimension, notre humanisme, nos couleurs et nos excès. Le soir, pendant qu’une pluie diluvienne rinçait le site, le bar du backstage étaient animé par la joie et l’énergie flamboyante des Miss trash, autour desquelles nous nous pressions.
Autour de moi, je voyais le sourire de Luc Amoros, Jipé des Colbocks en grande discussion avec un musicien d’Electric Ensemble, les Outre-rue trônant devant leurs bières belges tandis que Francis de Progéniture entraînait sa compagne dans un rock langoureux, les bottes dans la boue, sous la pluie. Patrick, radieux, avait un mot pour chacun.
Nous étions ensemble, festifs, bravaches, délurés, et je me sentais chez moi.
Je suis heureux que Stef ne soit pas venu.
Je n’aurais pas pu lui expliquer, pas plus que je ne me l’explique.
Nous sommes les artificiers d’une magie qui n’a pas de nom.